Voyage dans la couleur

Un voyage dans la couleur et sa dimension expérimentale

 
 
 

Je suis Anaïs Antonio,

créatrice de lafondamentale


Les informations qui figurent dans ce sujet ont été glanées auprès de nombreux articles cités en fin de chaque paragraphe, et parus sur la thématique au cours des dernières années.

Ils ont été remaniés, enrichis et parfois traduits par lafondamentale.


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Le Traité servant à la Peinture à l’Eau

 

En 1692, un artiste néerlandais inconnu du nom de A. Boogert fabrique à la main un recueil de nuances de plus de 900 pages entièrement aquarellées sur parchemin.

Dans cet ouvrage à la singularité évocatrice, qui porte le nom de « Klaer lightende Spiegel der Verfkonst », l’auteur qui s'identifie comme A. Boogert, s’applique à recenser avec une remarquable minutie près de 700 nuances ainsi que leur utilisation et mélanges pour un usage de la peinture à l’eau destinée à colorier des gravures et des dessins.

A. Boogert y explique comment obtenir les teintes et comment changer leur tonalité en y ajoutant « une, deux ou trois portions d'eau ».

Près de 271 ans avant la création du célèbre nuancier Pantone (1963), le “Traité des couleurs servant à la peinture à l’eau de A. Boogert" en fait, de son temps, le livre le plus compréhensif et complet sur le sujet de la couleur.


> Extraits du site de la Bibliothèque de Méjanes d’Aix-en-Provence

> Extraits du blog “Histoire et civilisation” de Bruno Lacroix


 
 

Un chef d’oeuvre oublié

 

Aussi mystérieux que son auteur, c’est à l’historien hollandais Erik Kwakkel que l’on doit la redécouverte de cet extraordinaire document, édité en une seule et unique copie, et conservé à la Bibliothèque Méjanes d’Aix-en-Provence.

Erik Kwakkel (né le 28 mai 1970 à Meppel) est un universitaire néerlandais spécialisé dans les manuscrits médiévaux, la paléographie et la codicologie. Il est membre du Comité International de Paléographie Latine et, de 2012 à 2017, a été membre de la Young Academy de l'Académie royale des arts et des sciences des Pays-Bas (KNAW).

Selon Erik Kwakkel, aucun érudit ne semble avoir encore publié sur le Traité des Couleurs. L'objet offrant pourtant un aperçu tout à fait insolite de l’époque dite de l'Âge d'Or de la peinture hollandaise. Il est donc logique que l'auteur A. Boogert, exprime dans l'introduction de son recueil — traduite par Erik Kwakkel — sa volonté d’en faire un manuel éducatif.

Remarquablement, le « Traité Servant à la Peinture à l’Eau » n'aura jamais suscité l’attention escomptée parmi ses contemporains - ou parmi les historiens de l'art moderne.  

L'ironie aura voulu que ce chef d’œuvre, édité qu’en un seul exemplaire — l'imprimerie de l’époque ne disposant pas de la technologie nécessaire pour imprimer un traité de ce type — n’ai probablement été feuilleté que par une poignée d’artistes et d’amis du créateur. 

Il faudra encore cent ans pour qu'il soit reproduit avec une certaine fiabilité, grâce au procédé de la lithographie.

Depuis sa mise en lumière par l’historien hollandais Erik Kwakkel, il semblerait qu’il ait été étudié pour être inclus dans l’étude doctorale d’un autre universitaire néerlandais.

Cette étude se serait achevée en 2015 à l'Université d'Amsterdam, mais je n’ai rien trouvé à ce sujet à la suite de mes recherches.


> Extraits du site 300yearsbeforecolor.com


 

La redécouverte de ce manuscrit unique au monde porte à se demander si le monde tel que nous le voyons aujourd'hui aurait été possible sans les systèmes de couleurs monopolistiques comme ceux créé par la société Pantone.

« La Nomenclature des couleurs de Werner » (1814)

Près de 200 ans après le Traité de A.Boogert, « La Nomenclature des couleurs de Werner » devient le guide de référence ultime des artistes, scientifiques, anthropologues et naturalistes du 19ème siècle. Charles Darwin l’aurait même consulté lors de ses voyages à Madère, aux îles Canaries et au Cap-Vert… Détaillée à l’extrême, chaque nuance possède son ou ses équivalences dans le monde réel. Un rouge carmin sera par exemple associé à la crête d’un coq, à une framboise ou encore à un rubis !

Originellement conçue par le minéralogiste Abraham Gottlob Werner à la fin du 18ème siècle, la classification sera par la suite étayée par l’artiste écossais Patrick Syme.

 
 

Les couleurs sont des idées


En 1692, lorsque l'artiste néerlandais créa son manuscrit, les systèmes de couleurs n’existaient pas encore, toutefois, des théories abordaient le thème de la couleur sous des aspects également assez techniques, entre autres grâce aux études de philosophes-scientifiques tel qu’Isaac Newton.


En parcourant les systèmes depuis l’Antiquité classique jusqu’à nos jours, nous examinons leurs fondements naturels et leurs points d’ancrage spirituels.

La « Couleur » peut être, pour le physicien, une longueur d’onde déterminable; ce sera, pour le peintre, une matière plus ou moins lumineuse sur sa palette. Et si nous passons aux « mélanges », les possibilités se multiplient à tel point que des erreurs de sens apparaissent quand on ne distingue pas avec précision ce qui est uni.

La lumière verte et la lumière rouge mêlées, par exemple, donnent une couleur autre que celle du mélange de rouge et de vert en aquarelle.

 

La théorisation de la couleur

Vous connaissez la théorie chromatique d‘Isaac Newton ? Peut-être aussi celle de Goethe ?

Voici cinquante-neuf théories des couleurs, depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, aisément compréhensibles et richement illustrées : une véritable histoire culturelle de la couleur.


> Extraits de la plateforme Colorsystem.com - Les auteurs de la liste des théories sont le Prof. Narciso Silvestrini et le Prof. Dr. Ernst Peter Fischer.


 

"Yves Peintures" par Yves Klein. Recueil de monochromes publié par l’artiste en 1954.

"Yves Peintures" par Yves Klein. Recueil de monochromes publié par l’artiste en 1954.

 

En 1954, le célèbre artiste Yves Klein publie à quelques exemplaires seulement le recueil Yves Peintures”.

Un recueil de monochromes, aujourd’hui introuvable au point d’être mythique, est réalisé et édité par l'atelier de gravure de Fernando Franco de Sarabia, à Madrid.

La préface signée par Pascal Claude, est uniquement composée de lignes noires en place du texte.

"Yves Peintures" par Yves Klein. Recueil de monochromes publié par l’artiste en 1954. La préface signée par Pascal Claude, est uniquement composée de lignes noires en place du texte.

 

"Yves Peintures" par Yves Klein. Recueil de monochromes publié par l’artiste en 1954.

"Yves Peintures" par Yves Klein. Recueil de monochromes publié par l’artiste en 1954.

"Yves Peintures" par Yves Klein. Recueil de monochromes publié par l’artiste en 1954.

 
 

Comment interpréter l’expérience du disque de Newton ?

En 1666, Newton propose un nouveau système des couleurs qui transforme l’ancien système linéaire en un cercle, et renonce à l’ancien principe d’organisation selon les valeurs du clair et du foncé.

Il comprend que les couleurs ne sont pas des modifications de la lumière blanche, mais plutôt ses éléments constitutifs originels. La lumière blanche est constituée de lumière colorée, c’est-à-dire des sept composantes qui se trouvent dans le cercle chromatique. Newton décompose ainsi la lumière blanche avec un prisme pour faire apparaître les couleurs dites de « l’arc-en-ciel ». Ces couleurs son alors représentées sur un disque que nous faisons couramment tourner pour retrouver du blanc.

Mais cette expérience est-elle vraiment la symétrique de celle du prisme ?

Les expérience ont démontrées que ces résultats nous montrent que l’expérience du disque de Newton est avant tout une expérience sur le fonctionnement de notre système visuel, et qu’il est pour le moins hasardeux de vouloir en faire une expérience symétrique de la décomposition de la lumière blanche.

Historiquement, ce disque a d’ailleurs été introduit par Isaac Newton pour proposer une nouvelle classification des couleurs, non pour le faire tourner. Si le disque est blanc quand il tourne, ou plutôt gris, c’est parce que la lumière qu’il nous renvoie active les trois types de cônes présents sur notre rétine. Le fait d’obtenir du gris sur un disque en rotation n’est en rien une propriété exclusive des couleurs de l’arc-en-ciel.

Beaucoup d’autres combinaisons de couleurs sont possibles, comme par exemple les couples de couleurs complémentaires jaune et bleu, cyan et rouge, ou vert et magenta, alors même que le magenta, rappelons-le, n’est pas une couleur de l’arc-en-ciel.


> Extraits de L‘Union des professeurs de physique et de chimie par Julien DELAHAYE CNRS - Institut Néel et Sylvie ZANIER, PhITEM (Physique, Ingénierie, Terre, Environnement, Mécanique) Université Grenoble Alpes


L’Art & la couleur : Michel Eugène Chevreul

De la loi du contraste simultané des couleurs


Michel-Eugène Chevreul (1786-1889) est un chimiste français connu pour son travail sur les acides gras, la saponification et la découverte de la stéarine. Ces travaux lui valurent la médaille Copley en 1857.

Après avoir reçu une formation de chimiste, Chevreul fut nommé en 1824 directeur de la Manufacture des Gobelins. Il appuya le travail de teinture sur des recherches sur la perception des couleurs.

Devant surveiller la fabrication des colorants, il eut l’idée que les problèmes les plus délicats et les plus importants n’avaient rien à voir avec la chimie, mais bien plutôt avec l’optique : lorsqu’il arrivait qu’une couleur ne produisît pas l’effet escompté, cela ne venait pas des pigments, mais des tons colorés qui se trouvaient à proximité.

Chevreul décida de traiter scientifiquement le sujet et fit paraître en 1839 son essai sur l’apparence des couleurs.

Le titre de l’ouvrage est parfaitement explicite : “De la loi du contraste simultané des couleurs”.

Bien que l’œuvre de Chevreul soit restée théorique et n’ait jamais été conduite à son terme, elle a influencé autant les conceptions d’Eugène Delacroix que celles de Georges Seurat sur les couleurs et sur l’art de les traiter.

L’ouvrage du chimiste français influença ainsi les écoles artistiques telles que l’Impressionnisme, le Néo-impressionnisme et le Cubisme orphique.

Aucun chimiste n’eut peut-être autant d’influence sur l’évolution de l’art que le Français Michel Eugène Chevreul — bien qu’il ne se soit guère intéressé à la façon dont les artistes comprennent et traitent les couleurs.

Lorsque l’œil perçoit en même temps deux couleurs avoisinantes, elles paraissent aussi dissemblables que possible, tant du point de vue de la composition optique que de leur valeur tonale.


Léonard de Vinci avait remarqué jadis que les couleurs s’influencent réciproquement lorsqu’elles sont vues l’une à côté de l’autre ; mais Goethe fut le premier à attirer précisément l’attention sur les contrastes qui accompagnent le phénomène et il les a décrits de manière si pénétrante qu’il a bien fallu le prendre en considération.

Le même rouge, vu simultanément sur un fond jaunâtre et sur un fond violet, semblera tirer vers le rouge foncé dans le premier cas, vers l’orange dans le second.

Chevreul put ainsi différencier deux manières selon lesquelles ce contraste simultané peut se produire et il parla à ce sujet de variations d’intensité ou de « composition optique ».


 

Livre “De la Loi du Contraste Simultané des Couleurs et de l'Assortiment des Objets Colorés.” - Michel Eugène Chevreul | Editeur : Gauthier-Villars, Langue : Français, Parution : 01/01/1889

 
 

Ainsi, nous savons aujourd’hui grâce à Michel-Eugène Chevreul, de manière plus précise, qu’il existe trois composantes qui peuvent se modifier sous l’influence d’un environnement coloré différent. Ces trois composantes correspondent aux paramètres d’un système spatial de couleurs : ce sont la luminosité, la direction et la nuance.

 

Une seule et même couleur paraîtra plus claire sur un fond sombre, plus foncée sur un fond clair : un rouge pur paraîtra plus rouge sur un fond jaunâtre, plus jaune sur un fond rougeâtre ; un rouge grisé paraîtra plus coloré (moins gris) sur un fond gris que sur un fond riche en couleurs.

 
 

FIN